Les systèmes de rupture de la structure maçonnée à pierres sèches destinés à l’entretien des ouvrages de soutènement
Exposé présenté le samedi 22 septembre 2012 à Talana (Sardaigne) dans le cadre du XIIIème congrès international sur la pierre sèche
Techniques observées sur des murs de soutènement « paysans » en France, à Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence) et à Fayence (Var).
I/ Brève analyse de la structure maçonnée des murs de soutènement en pierre sèche
Quatre règles lors de la pose des pierres :
L’assise
Le croisement
Le blocage
Le fruit
Un seul liant : le poids et les forces internes et externes au mur
Liées par les forces qui s’exercent sur les pierres, si ces règles sont respectées pour chacune, un mur en pierre sèche est une construction se comportant comme un monolithe. Une structure monolithe souple capable de rupture au niveau de chaque joint entre les pierres. Enlever une pierre de cette structure équivaut à « filer » un tissus, c’est le début de la ruine du mur (approfondir ces notions avec le support théorique d'un cours "pierre sèche").
Le rôle du drain
A l’arrière de la maçonnerie du soutènement proprement dite, est installé un drain. Il optimise la durée de vie du mur en remplissant les fonctions de :
Tampon entre le sol et le mur, il désolidarise les poussées du sol
Filtre à particules, il retarde le remplissage des joints par le sol
Drain, il évacue l’eau et assèche l’ouvrage
Le profil et le volume du drain varie selon les terroirs et leurs ressources en pierre (approfondir ces notions Le drain d'un mur de soutènement en pierre sèche).
Nos deux exemples ici développés son représentatifs de cette variation, de quasi inexistant à Ganagobie à surdimensionné à Fayence.
II/ Il est autant de façon de construire des soutènements en pierre sèche qu’il existe de terroirs
Si l’application des quatre règles est universelle, les ressources lithiques propres à chaque terroir s’imposent au maçon. Les pierres conditionnent les solutions techniques adéquates pour obtenir cet équilibre. Le maçon adapte donc la structure maçonnée et les divers éléments composant le mur dans le but d’optimiser la durée de vie de son ouvrage et de rendre son entretien le plus léger possible.
III/ Les systèmes de rupture de la structure maçonnée à pierres sèches
Ce sont des solutions développées pour palier aux défauts induits par les ressources lithiques de certains terroirs. C'est un outil efficace pour alléger l’entretien des ouvrages de soutènement. Ils sont utilisés lors de la conception ou de la restauration des murs.
Ils ont pour conséquence de dissocier en plusieurs segments indépendants un même mur, créant des ruptures dans la structure monolithe afin d’arrêter le « filage » du mur lors de son usure.
IV/ Étude des systèmes de rupture de la structure maçonnée à pierres sèches destinés à l’entretien des ouvrages à Ganagobie, Alpes-de-Haute-Provence, France.
Le chainage d’angle intégré
Technique pour la première fois décrite dans un article publié en août 2007 sur le site du CERAV.
Il apparait à l’analyse de ce mur que le chaînage ne renvoie pas à une étape antérieure de sa construction ou à un vestige d’aménagement mais qu’il a été la solution apportée lors de la restauration partielle du soutènement.
Cette solution permet de gérer de façon optimale la reprise d’un mur de soutènement partiellement ruiné.
Il agit au niveau de la maçonnerie au point de rencontre entre la partie neuve et l’ancienne. En effet l’ancien mur est un facteur de fragilisation du mur nouvellement construit. Cette fragilisation est renforcée par la difficulté de croiser correctement les pierres du nouveau mur avec celles de l’ancien.
La partie neuve du mur est arrêté par le chaînage qui le désolidarise de l’ancienne. Ainsi, lors de l’écroulement ou la destruction de l’ancien morceau de mur, le mur restauré reste debout et n’est pas emporté.
Le chaînage stoppe l’éboulement en longueur…… et en profondeur.
Le chaînage permet également de gérer le raccord de fruit et le différentiel d’angle
Il permet de travailler en sécurité lors des reprises ultérieures du mur, le mur ancien est alors démoli jusqu’au chaînage et repris sans danger d’éboulement.
C’est une solution simple à mettre en œuvre et très économique en temps de travail à long terme pour l’entretien des soutènements. Je la mets personnellement en œuvre lors de restaurations partielles de murs.
IV-a/ Deux exemples de mise en œuvre de chaînages d’angle intégrés
A Forcalquier
Observez le chaînage d’angle désolidarisant le mur assisé sur le roc du mur fondé sur l’arc de décharge
A Nyons
Vue d’ensemble, avec à droite de la photo le mur ancien non restauré
Détail du chaînage d’angle de rupture intégrant l’installation d’une niche
V/ Étude des systèmes de rupture de la structure maçonnée à pierres sèches destinés à l’entretien des ouvrages à Fayence, Var, France
Les piliers de rupture
Partant du même principe de rupture de la structure maçonnée, le dispositif de pilier observé sur deux murs de soutènement à Fayence a été installé dès leur conception.
Ces piliers sont espacés, dans les murs observés, d’environ 5 mètres les uns des autres et sont conçus comme des points forts dans le soutènement. Ils arrêtent la ruine du mur et permettent un entretien léger se limitant à des portions ponctuelles de soutènement.
Par leur présence ils entrainent également la présence de chaînages d’angles dans la maçonnerie lorsque celle-ci est contigüe avec les faces des piliers, ce qui a pour effet de renforcer encore le soutènement.
Ce dispositif de pilier s’explique par la structure du soutènement. Il palie en fait à la ressource insuffisante en pierre à bâtir sur place. Les murs sont en effet des « murs gabions », maçonnés peu profondément en parement et doublés d’une grande épaisseur de drain pouvant aller jusqu’à 2m de profondeur.
Le dispositif de drain est suffisant pour contrecarrer les poussées du sol. La fragilité des murs tient à la faible épaisseur de l’espace maçonné qui, avec l’usure des pierres, se déstabilise. Le parement tombé, le drain, qui n’est plus maintenu, coule au sol
Le mur-drain coule
Parement maçonné et drain profond (vue de dessus)
Restauration du mur structuré par deux piliers
Quelques photos du pilier observé lors de la restauration. Composé de blocs empilés de 60 cm de côté
Autre pilier du mur
Pilier composé de blocs plus petits, de structure maçonnée croisée
sur la longueur des murs on trouve également des chaînages d’angle
Va/ On peut observer des dispositifs de pilier ailleurs qu’à Fayence sans confirmation que l’intention du bâtisseur soit celle développée plus haut. Ces piliers confirment néanmoins leur qualité de renfort et de stabilité
photo 24
photo 25
A Taulignan (Drôme, photo 24), ce pilier structure et retient un bout de mur ruiné,
à Nyons (Drôme, photo 25), ce pilier reste le seul vestige d’un soutènement ruiné.
Vb/ Pour élargir le champ d’utilisation des ruptures latérales de la structure maçonnée
Un exemple à Crevoux (Hautes-Alpes), où l’installation d’un système de clôture en mélèze structure la maçonnerie selon un dispositif de ruptures latérales.